Laïcité, Droit des patients & de la fonction publique hospitalière

Avec l’accord du CLR Pyrénées dans le cadre du colloque du 24 septembre 2022, “L’hôpital et les enjeux de la laïcité”, nous reproduisons ci-dessous une des deux contributions intégrées à la 7ème chronique laïque (décembre 2022).

Contribution présentée par
Philippe JEAN
Directeur d’hôpital honoraire

La question de la laïcité à l’hôpital parait désormais bien délimitée à travers les textes de droit positif et l’abondante jurisprudence du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel (voir le dossier documentaire de ce colloque). Pourtant, à la marge, demeurent des questions ou des situations sources d’irritations ou témoignage de contradictions juridiques ou d’incohérences statutaires que je voudrais brièvement évoquer. Ces situations diverses touchent autant aux droits et obligations des fonctionnaires hospitaliers (II) et des usagers du service public hospitalier (I).

Laïcité et spiritualité des usagers du service public : un droit des patients à géométrie variable

En octobre 1995, l’affaire de l’Hôpital de Valenciennes suscitait quelque émoi dans le monde hospitalier. Le directeur-adjoint chargé des ressources hum aines de cet établissement public de santé avait, avec son épouse, en raison de leurs convictions religieuses catholiques traditionnelles, favorisé l’opération d’un « Commando anti IVG contre le service de gynécologie-obstétrique. Il s’agissait pour le moins d’une profonde atteinte à l’obligation de réserve, au principe de neutralité, montrant le risque de dérive ou d’abus de la part des telle ou telle mouvance radicale d’inspiration religieuse.

1.- Il parait évident que la forte affirmation du principe d’égalité dans le service public permet d’éviter toute discrimination au détriment de quelque patient que ce soit (je préfère le terme « patient » à celui d’ « usager ») pour quelque motif tenant à ses convictions politiques, religieuses et philosophiques.

S’agissant de façon plus concrète du paysage hospitalier, force est de constater qu’au-delà des principes généraux, le Code de la santé publique, principal bloc de légalité applicable en la matière, n’est guère prolixe.

L’on peut naturellement citer les dispositions règlementaires quelque peu archaïques concernant le fonctionnement des hôpitaux publics :

« Article R. 1112-46.- Les hospitalisés doivent être mis en mesure de participer à l’exercice de leur culte. Ils reçoivent, sur demande de leur part adressée à l’administration de l’établissement, la visite du ministre du culte de leur choix. »

Cet article résulte de la transposition in extenso d’une disposition du décret du 14 janvier 1974.

2.- Plus fondamental me parait être l’art. L. 3211-3 du Code, aux termes duquel :

« Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

(…)

« En tout état de cause, elle dispose du droit :

(…)

« 8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

« Ces droits, à l’exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d’agir dans l’intérêt du malade. »

De prime abord, cette disposition parait se limiter aux seules personnes atteintes de troubles mentaux et soumis à des soins psychiatriques sous contrainte. Et le dernier alinéa de cet article précise bien que ce droit spécifique mentionné au 8° ne peut être exercé qu’à la seule demande de l’intéressé, à l’exclusion de toute tierce personne (proche ou membre de la famille du patient).

Il s’agit donc du nécessaire rappel d’une liberté individuelle fondamentale qui ne peut être remise en cause pour qui que ce soit, y compris pour un patient soumis à des soins psychiatriques sans consentement.

Conclusion logique : bien que cela ne soit pas affirmé par ailleurs, toute personne hospitalisée, tout « usager » du système de santé dispose du droit de se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

3.- Ceci étant, les modalités suivant lesquelles les patients pourraient se livrer à des activités philosophiques n’ont jamais été définies … en ma connaissance.

Tel n’est pas le cas, au contraire, des activités religieuses régies depuis plus d’un siècle en application de l’article 2 de la Loi du 9 décembre 1905. On en revient donc là aux dispositions de l’article R. 1112-46 précitées dont la lecture stricte mentionne nettement que l’accès aux ministres du culte s’effectue sur demande du patient … et de lui seul. Différents textes, reproduits dans le Dossier documentaire élaboré pour ce colloque, traduisent cette organisation et en fixe les limites : voir, à cet égard, la circulaire du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements hospitaliers, la circulaire du 20 décembre 2006 relative aux aumôneries dans ces établissements et, in fine, la circulaire du 5 septembre 2011 relative à la Charte des aumôneries.

Ce dernier texte, témoignant de plus de « souplesse » ouvre la voie à un risque de dérives.

Une première dérive concerne l’auteur de la demande d’assistance d’un ministre du culte et l’étendue de la mission de ce dernier.

Le texte affirme : « À la différence de la mission de soin ou d’hébergement qui s’impose à l’établissement à l’égard de tout patient ou résidant, l’action de l’aumônier est « conditionnelle » dans la mesure où les aumôniers « ont la charge d’assurer, dans ces établissements, le service du culte auquel ils appartiennent et d’assister les patients qui en font la demande par eux- mêmes ou par l’intermédiaire de leur famille, ou ceux qui, lors de leur admission, ont souhaité déclarer appartenir à tel ou tel culte ([1]). Les demandes d’accompagnement ou de soutien des personnes hospitalisées, de leur famille et de leurs proches doivent être prises en compte dans le respect de leur communauté d’appartenance. »

Alors que l’article R. 1112-46 mentionne la seule demande du patient, la circulaire offre la faculté aux membres de la famille de se substituer à celui-ci.

4.- En outre, il est procédé au rappel des termes de la circulaire du 20 décembre 2006 faisant état lors de la procédure d’admission du signalement par le patient de son appartenance à tel ou tel culte. Une telle disposition parait fort discutable au regard des dispositions sur le recueil d’informations afférentes à la vie privée et le « fichage » des convictions religieuses présente quelque danger … Certaines périodes sinistres de l’histoire de France témoignent de ce danger.

5.- Enfin, la Charte étend la mission des aumôniers à l’accompagnement et au soutien des familles et des proches. Il s’agit-là d’une extension peu conforme à l’esprit de la loi du 9 décembre 1905 : les aumôneries ont été instaurées pour répondre aux besoins des seules personnes en milieu clos, l’article 2 de la Loi mentionnant les prisons, les collèges et lycées et les hospices.

La Charte stipule : « l’aumônier apporte son concours à l’équipe soignante ; son action ne se fait pas au seul bénéfice du patient qui l’a demandé : sa présence, par la dimension éthique qu’il porte, est enrichissante pour tous. L’aumônier, éclaire le cas échéant l’équipe médicale et soignante sur les implications que peuvent avoir certaines de leurs décisions au regard des convictions et pratiques religieuses des patients. Sa démarche doit être cohérente avec la démarche de soins. L’aumônier en raison même de sa spécificité, joue pleinement son rôle d’agent public, à titre permanent ou occasionnel, en contribuant à l’amélioration du service rendu aux usagers des établissements publics qui les accueillent, notamment en œuvrant à la médiation nécessaire à la bonne compréhension de l’organisation du service public par les usagers. Il peut par ailleurs être sollicité pour des actions de formation interne à l’établissement, en vue de diffuser la connaissance des traditions religieuses. »

Ainsi, le champ d’intervention de l’aumônier, outre l’assistance apportée au patient, s’insère dans la démarche globale de prise en charge du patient. Une telle approche, aussi intéressante soit-elle, s’éloigne quelque peu de la conception stricte de la laïcité dans le service public. On peut certes concevoir que le patient soit également en besoin de spiritualité. Mais, dans une période de profonde sécularisation marquée par une forte diminution des pratiques religieuses, il est étonnant que, par les termes de cette Charte, les religions reconnues s’arrogent une forme d’exclusivité, voire de monopole dans la réponse à ce besoin de spiritualité.

Or, dans le corpus juridique, règne la plus grande vacuité en l’absence de reconnaissance d’autres formes de spiritualité en dehors des expressions religieuses !

6.- De même, il n’est pas incongru que des représentants des cultes puissent participer à la démarche éthique préconisée dans tous les établissements depuis la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : suivant les termes du 5e alinéa de l’article L. 6111-1 : « Ils [ les établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés ] mènent, en leur sein, une réflexion sur l’éthique liée à l’accueil et la prise en charge médicale. »

Pour autant cette démarche éthique n’impose-t-elle pas une ouverture au-delà des convictions religieuses de certains ? L’éthique devrait ainsi être pluridisciplinaire et permettre l’expression de différents courants philosophiques. En résumé, les religions reconnues dans cette Charte des Aumôneries n’ont pas le monopole de l’Humanisme ou plus simplement de la bienveillance et de la bientraitance sous les auspîces de la Démocratie sanitaire !

Convictions philosophiques et religieuses des fonctionnaires : la préservation de certains privilèges

Nul n’est besoin ici de définir ici ce qu’est un privilège, sinon la reconnaissance d’un droit particulier à une catégorie particulière de sujets de droit. En l’occurrence, alors que le principe d’égalité des fonctionnaires parait être l’un des fondements essentiels du droit de la fonction publique, l’on peut relever deux situations attentatoires à ce principe, s’agissant, d’une part, de la durée annuelle du travail dans certaines collectivités territoriales et, d’autre part, du régime particulier de certaines autorisations d’absence pour motifs religieux.

De la « souplesse » de la durée annuelle du travail fixée à 1 607 heures : le privilège concordataire d’Alsace et Moselle

La publication par l’ordonnance du 24 novembre 2021 de la partie Législative du nouveau Code général de la fonction publique a permis de mettre en exergue dans un document de référence unique les éléments fondamentaux des régimes juridiques applicables aux agents publics de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers et médico-sociaux. Elle a également permis de détecter quelques différences entre ces différentes catégories de fonctionnaires. Pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui, j’ai relevé le régime particulier de la durée annuelle du travail intéressant les agents publics exerçant leurs fonctions en Alsace et Moselle.

Aux termes de l’article L. 621-10 du Code général de la fonction publique : « Dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les jours chômés et fériés dont bénéficient les agents publics sont ceux énoncés à l’article L. 3134-13 du Code du travail. »

Code du travail

Article L. 3134-13

Les jours fériés ci-après désignés sont des jours chômés :

1° Le 1er Janvier ;

2° Le Vendredi Saint dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte ;

3° Le lundi de Pâques ;

4° Le 1er Mai ;

5° Le 8 Mai ;

6° L’Ascension ;

7° Le lundi de Pentecôte ;

8° Le 14 Juillet ;

9° L’Assomption ;

10° La Toussaint ;

11° Le 11 Novembre ;

12° Le premier et le second jour de Noël.

Un décret peut compléter la liste de ces jours fériés compte tenu des situations locales et confessionnelles.

Cet article est inséré dans un chapitre du Code relatifs aux dispositions particulières applicables en Alsace Moselle : en matière de congés et des jours fériés dont bénéficient les salariés.

Partie législative (Articles L1 à L8331-1)

Troisième partie : Durée du travail, salaire, intéressement, participation et épargne salariale (Articles L3111-1 à L3431-1)

Livre Ier : Durée du travail, repos et congés (Articles L3111-1 à L3172-2)

Titre III : Repos et jours fériés (Articles L3131-1 à L3134-16)

Chapitre IV : Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. (Articles L3134-1 à L3134-16)


Concrètement, les agents publics de ce territoire bénéficient de deux ou  trois jours fériés complémentaires : le Vendredi Saint (dans les seules communes où existe un temple protestant ou une église mixte), le lundi de Pentecôte et le second jour de Noël.

Ainsi, la suppression du Lundi de Pentecôte au titre du Congé de solidarité parait ne pas s’appliquer au-delà de la Ligne Bleue des Vosges et les agents publics de ces territoires recouvrés en 1918 et 1944-1945 bénéficient d’une minoration de leur durée annuelle de travail de 14 à 21 heures.

Tel est le résultat du maintien du régime concordataire en Alsace et Moselle annexées par l’Empire Allemand de 1871 à 1918, période au cours de laquelle fut adoptée, en France métropolitaine, la loi du 9 décembre 1905.

Ce n’est pas le lieu ici d’analyser finement la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis 2011 légitimant le maintien de ce régime privilégié … le rétablissement de la légalité républicaine en 1919 puis en 1945 fit l’objet de compromis politiques source d’une certaine incohérence juridique.

Cette « exception » alsacienne-mosellane est devenue quelque peu paradoxale depuis la toute récente jurisprudence constitutionnelle du 29 juillet 2022, Commune de Bonneuil sur Marne et autres (QPC n° 1006-2022) imposant aux collectivités locales de s’aligner sur la durée annuelle du travail uniforme pour l’ensemble des fonctionnaires, imposé par l’article 47 de la loi du 6 août 2019. Voici les principaux considérants de cette décision :

9. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu contribuer à l’harmonisation de la durée du temps de travail au sein de la fonction publique territoriale ainsi qu’avec la fonction publique de l’État afin de réduire les inégalités entre les agents et faciliter leur mobilité. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

10. En second lieu, d’une part, les dispositions contestées se bornent, en matière d’emploi, d’organisation du travail et de gestion de leurs personnels, à encadrer la compétence des collectivités territoriales pour fixer les règles relatives au temps de travail de leurs agents. D’autre part, les collectivités territoriales qui avaient maintenu des régimes dérogatoires demeurent libres, comme les autres collectivités, de définir des régimes de travail spécifiques pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions de leurs agents.

11. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté.

Ce souci tout à fait légitime d’ « harmonisation de la durée du temps de travail au sein de la fonction publique (…) afin de réduire les inégalités entre les agents » ne s’étend donc pas jusqu’aux rives du Rhin.

Les autorisations très spéciales d’absence pour motif religieux :
Un épiphénomène atypique

Les ASA pour motif religieux constituent un épiphénomène, original et rare. Dans ma carrière de gestionnaire des ressources humaines (pour employer le langage « managérial » de l’hôpital-entreprise … mais, pour moi, l’Homme est plus qu’une ressource !), je n’ai jamais eu à traiter de telles demandes d’ASA !

Une ASA atypique sans doute. Le Code général de la fonction publique, résultant d’une codification à droit constant (et donc sans innovation des régimes juridiques antérieurs), évoque les autorisations d’absence dans ses articles L. 622-1 et suivants. Ces autorisations permettent d’octroyer des jours d’absence aux agents publics « qui n’entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels ». Elles sont accordées pour des motifs liés à la parentalité ou à l’occasion de certains évènements familiaux (tels le décès d’un enfant) ou pour des activités d’intérêt social : activités au sein d’un organisme de sécurité civile, administration d’une mutuelle, exercice d’un mandat électif ou syndical, etc.

Par contre, le Code ne mentionne nulle part d’ASA pour motif religieux. Celles-ci sont traditionnellement régies par le ministre chargé de la fonction publique, par voie de simple circulaire, actuellement la

Circulaire du 10 février 2012 relative aux autorisations d’absence pouvant être accordées à l’occasion des principales fêtes religieuses des différentes confessions.

En l’absence de base légale, l’on peut exprimer quelques doutes sur la valeur intrinsèque d’une simple circulaire venant en contradiction avec le principe de laïcité et la loi du 9 décembre 1905.

Cette circulaire offre donc la possibilité d’accorder des autorisations d’absence, sous réserve des nécessités de service, aux personnes se déclarant adepte de différentes religions : chrétiennes (arménienne, orthodoxe), mais aussi juive, musulmane, bouddhiste … ladite liste n’étant pas limitative.

Et, dans ce domaine, le Conseil d’Etat s’est montré particulièrement bienveillant :

CE, 12 février 1997, n° 125 893, Melle Henry

Cet agent, hôtesse d’accueil d’un établissement public à caractère culturel, avait sollicité une autorisation pour célébrer trois fêtes catholiques : le vendredi saint, la fête Dieu et la fête de la médaille miraculeuse, ce qui lui fut refusé par son chef de service.

En refusant par principe toute autorisation d’absence pour participer à une fête religieuse autre que l’une des fêtes religieuses légales en France, alors qu’il lui appartenait d’apprécier si l’octroi d’une autorisation d’absence était ou non compatible avec les nécessités du fonctionnement normal du service, un chef de service, qui est compétent pour définir les règles applicables en la matière aux agents non titulaires, commet une erreur de droit.

Ne constitue pas un motif légal de refus la seule circonstance que la fête religieuse pour laquelle l’autorisation d’absence est sollicitée ne figure pas parmi les fêtes légales listées chaque année ou depuis 2012 de façon pérenne, par l’administration :

Conseil d’Etat, 26 octobre 2012, n° 346 648, M. Lliboutry

A propos d’une circulaire du ministre chargé des finances publiques, du 10 décembre 2010, la haute juridiction a indiqué :

En ce qui concerne les autorisations d’absence :

7. Considérant, en premier lieu, que M. B…ne saurait utilement soutenir que la deuxième partie de la circulaire attaquée, consacrée aux autorisations d’absence, n’a pas présenté de manière exhaustive les règles applicables en la matière ; que d’ailleurs, si cette deuxième partie ne mentionne pas les absences en vue du suivi d’une formation professionnelle ou de l’exercice d’une activité syndicale ou mutualiste, elle n’a aucunement exclu l’octroi d’autorisations d’absence pour des motifs de cette nature ;

8. Considérant, en second lieu, qu’en indiquant au paragraphe II du chapitre 6 de sa deuxième partie, consacré aux autorisations d’absence pour motifs religieux, que les agents désirant participer à des fêtes ou cérémonies religieuses non inscrites au calendrier annuel des fêtes légales pouvaient bénéficier d’autorisations d’absence ” sur présentation d’une justification “, la circulaire attaquée s’est bornée à rappeler l’obligation pour tout agent d’indiquer préalablement au chef de service le motif de l’absence pour laquelle ces autorisations sont sollicitées ; que ce rappel n’a pas pour objet et ne saurait d’ailleurs avoir légalement pour effet de permettre que ce document soit versé au dossier de l’agent concerné ;

9. Considérant que la circulaire attaquée précise que ces autorisations ” concernent les seules religions pour lesquelles la fonction publique assure une publication annuelle ” ; qu’il appartient toutefois au chef de service d’apprécier au cas par cas si l’octroi d’une autorisation d’absence sollicitée par un agent pour participer à une fête autre que l’une des fêtes religieuses légales est compatible avec les nécessités du fonctionnement normal du service ; qu’en interdisant, en dehors des fêtes légales, l’octroi d’autorisation pour des fêtes religieuses autres que celles dont la direction générale de l’administration et de la fonction publique publie annuellement la liste, au demeurant indicative, le ministre a entaché la circulaire d’excès de pouvoir ; que, par suite, M. B…est fondé à demander l’annulation de la circulaire attaquée dans cette mesure ;

Pour la Cour administrative d’appel de Paris, 22 mars 2001, n° 99PA02621, une autorisation d’absence pour motif religieux peut être étendue aux adeptes du mouvement raëlien … bien qu’il s’agisse plus d’une secte que d’un mouvement religieux !

Par contre, le « libéralisme du juge administratif » se révèle beaucoup plus frileux à l’encontre de la Libre Pensée, comme en témoigne l’arrêt du 3 juin 1988 reconnaissant la légalité d’un refus d’autorisation opposé à une fonctionnaire souhaitant commémorer la mort de Giordano Bruno le 17 février 1600.

Conseil d’Etat, 3 juin 1988, n° 67791

Considérant qu’aucune des dispositions régissant le personnel de la Banque de France ni aucune disposition législative ou réglementaire ne donnaient à Mme X…, secrétaire comptable de 3ème classe à la direction de la balance des paiements de la Banque de France, un droit à l’octroi d’une autorisation d’absence qui avait été demandée par elle pour la célébration de la mort à Rome le 17 février 1600 de Giordano Bruno ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que d’une part, par dérogation aux règles concernant les congés à la Banque, les agents qui en font la demande pour participer aux cérémonies célébrées à l’occasion des fêtes israélites, musulmanes et arméniennes obtiendraient des autorisations de cette nature, et d’autre part l’article 2 de la Constitution, le principe d’égalité des citoyens devant la loi ou la Convention européenne des droits de l’homme seraient violés sont inopérants ;

Il apparait donc une singulière disproportion entre le respect assumé des convictions religieuses … voire sectaires !) sur une base juridique précaire relevant plus de la coutume que de la légalité et celui des convictions philosophiques. Ne faudrait-il pas alors engager un mouvement collectif pour inciter à reconnaitre les valeurs républicaines en demandant des autorisations d’absence qui pour commémorer le 9 décembre 1905, qui pour célébrer la proclamation de la République le 4 ou le 21 septembre, qui pour honorer la Déclaration Universelle des droits de l’homme, et pourquoi pas se remémorer la Nuit du 4 août … et l’abolition des privilèges ?

Post-Scriptum

Au cours de son intervention lors du colloque du 24 septembre 2022, le Dr Patrick Peloux a appelé l’attention sur le risque d’ « entrisme » par le biais associatif. J’ajoute donc en annexe une note technique sur les Associations de bénévoles à l’hôpital dont l’activité doit être autorisée par la Direction de l’établissement. La conclusion d’une convention de partenariat permet de circonscrire cette activité et les pouvoirs de police administrative du Directeur permet de mettre fin aux éventuelles dérives. Ainsi, une association qui ferait preuve de prosélytisme ou porterait atteinte au principe de neutralité pourrait, devrait être déclarée persona non grata.

Les Associations de Bénévoles à l’hôpital

Sources  :

Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des patients.
Code de la santé publique, art. L. 1110-11 et L. 1112-5, art. R.1110-1 et annexe 11-1,art. R 1112-10 et suivants.
Charte du Patient hospitalisé, § 1.6.
Circulaire n° DHOS/SDE/E1/2004/471 du 4 octobre 2004

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a apporté un certain  nombre d’éléments nouveaux applicables à la vie associative au sein des établissements hospitaliers. A la suite de la publication de la circulaire ministérielle du 4 octobre 2004, il y a lieu de compléter le dispositif existant.

La présente note a pour objet de préciser les modalités d’application de ces dispositions concernant les Associations de Bénévoles. Elle se substitue à la note de service n°51/2002 du 26 septembre 2002.

Le code de la santé publique comprend désormais deux séries de dispositions concernant les Associations de Bénévoles :

– L’article L. 1110-11, dédié spécifiquement aux associations se consacrant aux soins palliatifs.

– L’article L. 1112-5, à portée générale, consacré aux associations de bénévoles.

§ 1.- Dispositions générales applicables aux associations

1.1.- Régime juridique

11.1.- Associations déclarées

Le Code de la Santé publique n’apporte aucune précision sur le régime juridique applicable à ces associations. Donc, doit s’appliquer le régime de droit commun défini par la loi du 1er juillet 1901, modifiée, relative au contrat d’association. 

Les associations désirant développer une activité au sein de l’établissement hospitalier devront donc avoir satisfait aux obligations de déclaration à la Préfecture ou à la sous-préfecture et de publication au Journal officiel.

11.2.- Conventions de partenariat

Alors que l’article 46 du décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des Centres Hospitaliers et des hôpitaux locaux, prévoyait une procédure d’agrément par le Directeur de l’Etablissement pour autoriser l’intervention des associations de bénévoles (dans le cadre des pouvoirs de police du Directeur), le Code de la santé publique mentionne désormais la conclusion d’une convention entre l’établissement et l’association. Les dispositions des articles R.1112-10 et suivants du Code de la santé publique, qui se sont substituées à celles du décret du 14 janvier 1974, ne comportent aucune indication particulière sur l’agrément des associations.

Un modèle de convention a été publié en annexe 11-1 du Code de la santé publique (partie réglementaire) pour les associations intervenant dans le champ des soins palliatifs. Pour les associations à caractère généraliste, un modèle de convention a été proposé par la circulaire ministérielle du 4 octobre 2004.

La conclusion de la convention permet aux membres de l’association d’intervenir dans l’établissement en vue d’effectuer leurs activités régulières ou de procéder à l’accompagnement de personnes bénéficiant de soins palliatifs.

11.3.- Autorisations ponctuelles

S’agissant des associations n’ayant pas conclu de convention de partenariat, leur activité au sein de l’établissement hospitalier demeure régi par le principe de l’autorisation préalable d’activité attribuée après demande formulée auprès du Directeur du Centre hospitalier.

11.4.- Sanctions 

Deux cas sont prévus :  l’absence de convention et  les manquements aux obligations découlant de la convention.

La sanction consiste en une interdiction de l’accès de l’établissement aux membres de l’association, prononcée par le Directeur ou, dans des cas spécifiques, par le représentant de l’Etat dans la région (cf. infra).

1.2.- Dispositions générales applicables à l’ensemble des Associations

12.1.- Information générale sur l’organisation de l’association

Les associations habilitées à intervenir au sein de l’établissement sont tenues de communiquer à la direction du Centre hospitalier :

1°) leurs statuts et les modifications apportées à ces statuts,

2°) la liste nominative de leur organe dirigeant (bureau et/ou Conseil d’administration) et les modifications apportées à ladite liste,

3°) la liste nominative des bénévoles intervenant au sein de l’établissement au titre de l’association, ainsi que les mises à jour de ladite liste,

4°) si l’association bénéficie d’une subvention attribuée par le Conseil d’administration du Centre hospitalier : le budget prévisionnel et  les comptes annuels.

12.2.- Informations sur les activités de l’association

L’organisation de manifestations particulières par les associations habilitées au sein du Centre hospitalier ou l’une de ses composantes de même que l’intervention exceptionnelle de personnes ou d’organismes extérieurs à l’initiative d’une association habilitée doit faire l’objet d’une information préalable auprès de la direction en vue d’apprécier l’opportunité, les effets desdites manifestations au regard des règles relatives à la sécurité et au fonctionnement réguliers des services.

Les associations communiquent à la direction du Centre hospitalier un rapport annuel rendant compte de leur activité au sein de l’établissement.

12.3.- Mise à disposition de locaux

Les prêts de locaux aux associations par le Centre hospitalier ont un caractère précaire et révisable en fonction des nécessités d’organisation et de fonctionnement des services hospitaliers.

§ 2.- Dispositions particulières applicables aux Associations de bénévoles dans le champ des soins palliatifs

2.1.- Modalités de l’accompagnement

21.1.- Objet de l’accompagnement

L’objectif des associations est d’organiser l’accompagnement par des bénévoles de personnes bénéficiant de soins palliatifs.

Cet accompagnement doit permettre de conforter l’environnement psychologique et social de la personne malade ainsi que celui de son entourage.

Les bénévoles intervenant doivent  être sélectionnés (par l’association et sous sa responsabilité) et bénéficier d’une formation adaptée (assurée par l’Association).

21.2.- Conditions de l’accompagnement

Les interventions de bénévoles en soins palliatifs sont « encadrées » et conditionnées par :

– le recueil de l’accord de la personne malade ou de ses proches ;

– la prohibition d’interférence avec la pratique des soins médicaux ou paramédicaux.

En outre, l’association doit disposer d’une charte définissant les principes régissant son action, et notamment le respect :

– des opinions philosophiques et des convictions religieuses de la personne accompagnée,

– de la dignité et de l’intimité de la personne accompagnée,

– de la discrétion, de la confidentialité,

et, bien sûr, l’absence d’interférence dans les soins prodigués et la prise en charge thérapeutique effectuée par les équipes médicales et soignantes.

21.3.- Sanctions

S’agissant des associations intervenant dans le champ des soins palliatifs, l’interdiction d’accès à l’établissement hospitalier est prononcée :

– par le Directeur du Centre hospitalier ;

– à défaut, dans le cadre d’un pouvoir de substitution, par le représentant de l’Etat dans la région, après avis du Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales.

Il s’agit donc d’une sanction administrative, relevant des pouvoirs de police administrative du Directeur.

§ 3.- Dispositions particulières applicables aux autres Associations de Bénévoles

3.1.- Modalités d’intervention des associations :

31.1.- Objectifs :

L’activité des associations de bénévoles a pour objet :

– d’apporter un soutien à toutes personnes accueillies dans l’établissement (association de visiteurs) ;

– de développer des activités (culture, bibliothèque, soutien scolaire).

31.2.- Conditions

Les activités apportant un soutien au patient doivent être réalisées à sa demande ou avec son accord.

Les bénévoles doivent veiller au respect des règles de fonctionnement de l’établissement et des activités médicales et paramédicales.

Il convient de ne pas provoquer d’interférence avec les activités spécifiques d’accompagnement des personnes bénéficiant de soins palliatifs, relevant de la compétence des associations spécialement habilitées à cet effet (cf. § 2), ni dans les soins prodigués et les prises en charge thérapeutique effectuées par les équipes médicales et soignantes.

31.2. – Sanctions 

En cas d’inobservation des prescriptions susmentionnées, la décision d’interdiction d’accès est prise par le Directeur du Centre hospitalier.


[1] Circulaire susmentionnée du 20 décembre 2006.

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